mystere-de-legypte

_Je souhaite examiner ce coeur, dit-il alors d'une voix forte.
_Osiris, dit Anubis, ça n'est pas ton rôle d'intervenir dans le jugement!
_Mais il y a une erreur. Cet homme devrait être accepté dans mon royaume, il a servit mon épouse pendant toute sa vie!
_Osiris! s'écria Anubis. Prendrais-tu partie? As-tu oublié que tu m'as toi-même institué président de ce jugement?!
Osiris sembla un instant désorienté. C'est là qu'Isis prit la parole :
_Je t'en prie Anubis, cet homme ne doit pas aller dans le royaume de Seth!
Anubis sembla plus coléreux que jamais. Il descendit alors jusqu'au coeur et le regardant sous tous les angles, finit par le reposer dans la balance de Mâât.
_Ce coeur, mon père, reprit-il en se tournant vers Osiris, est celui de ce serviteur de ton épouse!
Il montra Den du doigt qui sembla se renfrogner. Osiris et Isis échangèrent un regard surpris dans lequel une certaine panique ne semblait pas partir.
_Oses-tu mettre ma parole en doute?!
Osiris se tourna doucement vers celui qui était son fils et répondit doucement :
_Je ne la mets nullement en doute. Je t'ai désigné comme Président, c'est vrai. La pesée a rendu son jugement et je me dois de le respecter.
Anubis inclina faiblement la tête dans sa direction et ils se rassirent. Mâât remporta la balance et le coeur à côté de Thot.
Dans la salle, tous les regards étaient tournés vers Osiris, des regards ébahis, totalement surpris. Anubis reprit sa place face au jugé puis dit :
_Den, serviteur d'Isis, le jugement a été rendu.
Deux hommes à tête de chacal entrèrent à nouveau.
_Tu dois suivre ces hommes et...
_Anubis, l'interrompit Nephtys en se levant. Puis-je dire un mot?
Anubis sembla un instant déconcerté. Il ne s'attendait pas à ce que sa mère intervienne maintenant. Mâât semblait elle aussi tout à fait surprise. Nephtys avait le don d'être imprévisible et tout à coup, il sembla à la déesse qu'elle pouvait compromettre tout leur plan.
_Parle, lui ordonna Anubis.
_En temps que Protectrice des Morts, je souhaite dire Oh Anubis, qu'il est fort probable que ce jugement ait été falsifié! Je proteste!
_Ah! Tu protestes? répéta-t-il.
_Moi aussi! s'écria Isis en se levant.
Il y eut alors un murmure étrange parmi le public. Mâât et Thot échangèrent un regard quelque peu nerveux. Cette idiote de Nephtys allait tout faire échouer! Mais alors que la surprise générale avait pris place, Thot avait remplacé le faux coeur contre le vrai coeur de Den, sans que personne ne s'en rende compte, même pas Anubis.
_Tu sais bien, Oh déesse Isis, reprit Anubis, que pour qu'une annulation de jugement soit prononcée, toutes les gardiennes des vases canopes doivent protester!
Les portes s'ouvrirent alors lentement. Mâât crut avec espoir qu'il s'agissait de Sobek, mais avança vers eux un scorpion de taille anormal. Il ne s'arrêta qu'une fois devant le siège d'Anubis. Reconnaissant la déesse Selket, gardienne du vase canope refermant les intestins, Anubis prit le scorpion dans sa main et tendit son oreille. Puis, il reposa l'insecte à terre et celui-ci repartit comme il était venu.
_Selket, dit-il d'une voix faible, s'est prononcée. Elle proteste.

La porte s'ouvrit à nouveau sur Thot suivit de Sobek. Les deux dieux saluèrent Anubis et s'inclinèrent légèrement devant Mâât :
_Mes amis, dit-elle, le signe est là! Ce cher Horus est de retour parmi nous.
_Comme tu l'avais prédit, déesse, dit Anubis avec un sourire.
_Oui, je sais, dit-elle avec un sourire pour lui. Mais j'ai également prédit autre chose...
Elle jeta un regard appuyé vers Thot qui sourit malicieusement :
_C'est fait, dit-il. J'ai mis le livre en sûreté, mais si comme tu le dis Horus forcera ma sécurité, il me faudra trouver une autre cachette où ranger le livre des formules magiques.
_Nous devons êtres prudents, reprit Mâât. Le livre des formules magiques contient une magie si puissante que son détenteur pourrait surpasser tous les Dieux du monde! Il faut que dès qu'Horus ait forcé la sécurité Sobek intervienne.
_Oui, déesse, je veillerai sur le livre. Dès que Horus l'aura sortit de sa cachette, je me jetterai sur lui et l'obligerai à fuir. Puis, je viendrai te rendre compte en salle des Deux Vérités de sorte que tu puisses crier à la face d'Osiris et d'Isis la trahison de leur fils.
Mâât sourit à l'écoute de ce récit. Elle acquiesça d'un signe de tête en direction de Sobek. Puis se tournant vers Thot et Anubis, elle dit :
_Bien, cette partie me plaît beaucoup! Mais nous devons revoir le jugement!
_Lorsque Anubis conduira ce serviteur d'Isis dans la salle, dit Thot, je me tiendrai derrière Isis et Osiris, puis une fois qu'ils auront vérifié qu'il s'agit bien du bon coeur, je l'échangerai sans qu'ils ne le savent. Puis, je reprendrai ma place.
_Le jugement se déroule normalement, continua Anubis, jusqu'à la pesée du coeur. Lorsqu'ils verront que l'âme de ce serviteur n'est pas pure, donc qu'elle est plus lourde que ta plume, je pense qu'ils vont intervenir. Ce qui sera l'occasion pour moi de leur dire qu'ils ne doivent pas prendre partie.
Mâât acquiesça d'un signe de tête.
_Là, ils vont continuer à protester, dit Anubis, jusqu'à ce que je décide d'aller moi-même inspecter le coeur du jugé. Je proclame que c'est bien le coeur que j'ai retiré et je leur demanderai s'ils ont mis ma parole en doute. Ils diront non. J'espère qu'ils se calmeront ici.
_C'est là que j'entre, dit Sobek. J'arrive à tes côtés, déesse et je te glisse quelque chose à l'oreille. Tu deviens furieuse et t'attaque à Isis.
_Oui, c'est parfait! Je pense qu'elle tombera des nues en apprenant que son fils adoré a tenté de s'approprier le pouvoir sur les dieux! dit Mâât en regardant le sol. Ca sera ensuite le moment de lui reprocher son interdiction à ma descendance. L'audience sera offusquée.
_Oui, mais nous devons nous attendre à une prise de partie des différents dieux, intervint Anubis. Ma chère mère défendra Isis avec vigueur, tu dois t'attendre à ses piques.
_Je m'y suis préparée.
_Thot et moi prendront ton partie en demandant à Isis de répondre à ton accusation, dit Anubis. Hathor sera là, elle prendra le partie d'Horus, après tout elle a été sa nourrice.
_Je me fiche d'Hathor, répliqua Mâât, les autres Dieux seront offusqués d'apprendre que le Prince a essayé
de s'approprier leurs connaissances. Je pense que ça suffira pour qu'Isis accepte en échange de mon pardon à Horus, ma descendance.
Mâât sourit de satisfaction, son plan était en tous points parfaits. Isis ne pourrait plus lui refuser sa descendance.

Enfin, Mâât comptait parmi ses alliés le Dieu Anubis, Dieu des morts et de l'embaumement. Elle n'était pas peu fière de cette alliance, étant donné que cela lui donnait les pleins pouvoirs dans la salle des Deux Vérités : Anubis étant le président de la cérémonie du jugement. Anubis, bien qu'il soit le fils d'Osiris et de Nepthys détestait en plus haut point sa mère et son père ce qui garantissait à Mâât sa fidélité. Son armée de chacals était également un point important pour Mâât, cette armée lui assurait de quoi se battre si jamais un jour Isis et Osiris décidaient d'en lever une contre elle. Anubis cependant, exigeait qu'en retour de sa loyauté, Mâât lui donne quelque chose. Elle lui avait proposé un statut de Dieu national, un rôle plus important en Egypte mais il avait refusé. Anubis ne désirait qu'une chose : que Mâât le prenne pour amant. Elle avait finalement accepté.

Du côté d'Isis et d'Osiris, les alliés étaient tout autres. A leurs côtés on trouvait Nephtys, leur soeur, Protectrice des morts. La déesse amoureuse de son frère Osiris lui rendit visite un soir sous l'apparence d'Isis et de cette union naquit Anubis. Mais la mère bien trop aveuglé par son amour pour son frère mit son fils de côté, ce qu'il ne put jamais lui pardonner. A présent, le fils et la mère se vouaient une haine farouche. Il y avait ensuite Horus, le fils d'Osiris et d'Isis, Dieu de l'azur. Il était un fier guerrier, fort et droit et serait toujours fidèle à sa mère.

Ainsi, chacun avait ses alliés, chacun avait des qualités, des faiblesses. Mais Mâât savait que le combat était bien trop égal pour voir un quelconque gagnant. Elle avait été entraînée aux arts de la guerre par Anubis lui-même, et la technique lui avait été transmise par Thot qui en avait étudié tous les aspects. Mâât savait que Osiris et Horus étaient de fiers guerriers, tout comme Anubis et Thot. Mais au contraire, la déesse Isis ne savait pas se battre ce qui lui garantissait un confort extrême si un duel venait à les opposer.

_Pardonne-moi Oh déesse! dit une voix pleine de sanglots.
Dans un salon doré et richement décoré, un homme à la peau brune était agenouillé. Il portait à son poignet un bracelet vert et étrange. Devant lui se trouvait une femme, grande et belle, d'une beauté introuvable sur Terre. Et pour cause, c'était la déesse égyptienne Mâât.
Vêtue d'une robe serrée blanche et d'une couronne d'or et de pierres précieuses, sa peau brillait à la lumière d'un soleil étrangement éclatant. Mais son visage traduisait une colère certaine :
_Relève-toi Sobek! cria-t-elle.
L'homme se releva alors. Il était beau, étonnamment beau. Ses yeux d'un vert émeraude n'étaient pas sans rappeler des yeux de crocodiles : Sobek était le Dieu des eaux et des marais dont la représentation était un crocodile.
_Je te nomme mon espion personnel et que m'apprends-tu? reprit Mâât. Que la reine des Dieux Isis veut m'interdire ma descendance! Comment ose-t-elle?! Je suis la fille de Rê!
Il y eut un éclair dans le ciel suivit d'un tonnerre qui fit trembler la Terre. Mâât se tourna vers le soleil et hurla :
_Ecoute mon père le Dieu du soleil, Isis! Ecoute sa fureur!
Elle écarta les bras et des dizaines d'autres éclairs zébrèrent le ciel. Sobek la regardait sans bouger, d'une manière étrange.
_Va-t-en! lui jeta-t-elle.
Elle poussa un soupir pendant que Sobek refermait la porte de la chambre. Le murmure du Nil qu'elle entendait semblait envahir toute la pièce, son cerveau même. Elle s'avança jusqu'à la fenêtre et sortit sur le balcon. L'air frais caressa son visage et elle ressentit quelque chose d'étrange en regardant le soleil :
_Ton père semble de bonne humeur ce matin!
Elle se retourna et observa un corps d'homme à tête d'oiseau avancer vers elle. L'homme se plaça à côté d'elle sur le balcon :
_Pourrais-tu enlever ce masque lorsque tu me parles?
L'homme retira son masque et laissa voir un visage étonnamment familier à Mâât : Thot, le dieu de l'écriture. Il observa les longs cheveux noirs de la déesse et plongea ensuite son regard dans le sien. Elle remarqua que l'éclat de ses yeux noirs était bien plus brillant que d'habitude, il semblait lire en elle.
_Que se passe-t-il Oh déesse du jour? demanda-t-il en la suivant dans la chambre.
_Vois-tu mon ami, j'ai un soucis. Isis semble vouloir me détruire pour de bon et je ne la laisserai pas faire!
_Monteras-tu sur le trône?
Mâât secoua la tête :
_J'ai déjà répondu à cette question. Je sais que toi et Anubis désirez m'y voir mais le pouvoir n'est pas mon désir, tu le sais. Ce que je désire c'est le futur!
Thot posa son masque sur la couche de la déesse et jeta un oeil par le balcon. Sur le Nil, une barque longue et magnifique naviguait tranquillement. Mâât se tourna vers son compagnon :
_Isis ne m'enlèvera pas ma descendance! Je te le dis ici et maintenant, Thot! Elle ne le fera pas! Puisse mon père solaire m'aider dans cette tâche!
Thot baissa les yeux en signe dévotion, il était avec elle, elle le savait. Il lui était fidèle depuis toujours. Ils s'aimaient.
Mâât tourna alors la tête vers la fenêtre et observa la même barque que Thot observait quelques secondes auparavant :
_Horus serait-il de retour? demanda-t-elle. De quoi réjouir un coeur maternel!
Thot sourit et reprit son masque sous son bras, le regard malicieux :
_Réunis-les, dit-elle alors. Je vous attendrai ici.
Thot remit son masque et se mettant à genoux devant elle murmura :
_Le signe est enfin arrivé.
_Oui, il est ici.